Dans notre newsletter du 14 juin 2021, nous vous avons informé de la décision du Tribunal Judiciaire de Paris du 31 mars 2021 (n° RG 19/795). La Cour d’appel a maintenant annulé cette décision avec un raisonnement peu convaincant (Cour d’appel de Paris, arrêt du 22. 6. 2021 – RG 21/07623 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDQZJ). Selon la Cour, une action en dommages-intérêts contre un arbitre en raison d’un manquement à son devoir d’information est directement liée à la composition du tribunal arbitral et au déroulement de la procédure arbitrale, puisqu’il s’agit d’apprécier si l’arbitre a exercé sa fonction conformément à ses obligations contractuelles et que cet exercice de la fonction fait partie de la procédure arbitrale. Ainsi, l’exclusion de l’arbitrage dans l’art. 1 (2) (d) du Règlement de Bruxelles s’applique à ces actions; pour cette raison, la détermination de la compétence doit être faite selon les règles nationales. Selon l’article 46 du Code de procédure civile français, les tribunaux compétents sont soit ceux du siège (domicile) du défendeur, soit ceux du lieu où la prestation a été fournie. En matière d’arbitrage international, le service est fourni au siège de l’arbitrage choisi par les parties, car c’est le lieu où, selon la convention d’arbitrage, la sentence arbitrale est rendue et où la mission arbitrale est donc remplie, même si les étapes principales de la procédure arbitrale ont eu lieu dans un autre état.

La Cour d’appel ignore que les contrats conclus avec les arbitres devraient contenir une clause compromissoire si les parties voulaient les soumettre à l’arbitrage. Tant que ce n’est pas le cas, l’assignation à l’arbitrage n’est pas envisageable. Le point de vue de la Cour d’appel ignore l’autonomie des partis. En outre, condamner un arbitre à des dommages-intérêts n’a aucun effet sur la procédure arbitrale déjà terminée. De plus, l’exclusion de l’arbitrage du champ d’application u règlement dit Bruxelles 1 se justifie, entre autres, par le fait que des conventions distinctes s’appliquent à l’arbitrage. Cependant, aucune de ces conventions ne s’applique aux actions contre les arbitres en vue d’obtenir des dommages et intérêts pour manquement à leurs obligations. C’est pourquoi la Cour d’appel doit appliquer le droit national. Sans nécessité, le règlement dit Bruxelles I est donc suspendu pour un domaine qui est en fait un de ses domaines de base: les actions civiles en dommages et intérêts devant les juridictions étatiques. L’avis de la Cour d’appel nous ramène donc au domaine de la fragmentation juridique nationale, que le règlement dit Bruxelles 1 était censé surmonter.

Définir le lieu choisi pour l’arbitrage comme le lieu où les arbitres rendent leur service n’est pas non plus convaincant. La prestation des arbitres ne consiste pas seulement à rendre le jugement, mais à conduire l’ensemble de la procédure. Les étapes précédentes comme l’obtention de preuves, les auditions etc. constituent la base de la sentence arbitrale et sont donc une partie décisive de la procédure arbitrale, qui ne s’efface pas devant la sentence. Si l’objet principal de la prestation arbitrale est fourni en Allemagne, il semble approprié d’y localiser le lieu d’exécution. En outre, les parties ont choisi le lieu de l’arbitrage pour des raisons stratégiques, à savoir afin d’appliquer un environnement juridique étatique qu’elles considèrent comme favorable, par exemple en ce qui concerne les modalités de contestation d’une sentence arbitrale. Si, dans ce contexte, ils décident de faire dérouler la procédure arbitrale principalement en Allemagne avec des arbitres allemands, cela indique qu’ils considèrent eux-mêmes l’Allemagne comme l’Etat dans lequel le service arbitral est rendu. L’Allemagne est donc également le lieu d’exécution aux yeux des parties.

V. aussi notre commentaire en langue allemande de la décision qui apparaitra prochainement dans la revue allemande EWiR.

Thorsten Vogl
Rechtsassessor
Membre du comité des directeurs
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